jeudi 9 janvier 2014

Organisation industrielle entre filière ou biocénose ? le cas de l'agroalimentaire.

Le terme biocénose a été introduit par le biologiste allemand Karl Auguste Mobius à la fin du 19e siècle pour décrire les associations (animales ou végétales ou les deux) que l'on rencontre dans un milieu particulier (le biotope). Étudier ces associations est particulièrement intéressant parce que cela permet d'éventuellement identifier des interactions entre espèces qui sont (plus ou moins) essentielles à la vitalité des différentes espèces dans le biotope. Une espèce qui ne trouverait pas dans un biotope donné la biocénose appropriée devrait migrer vers un autre biotope ou bien elle serait en situation de péril. [De nos jours et dans le domaine des entreprises, on évoque ce mécanisme sous le vocable de délocalisation!]

Les différentes interactions entre deux espèces que l'on observe dans la nature peuvent être structurées autour de trois types d'effets d'une espèce sur l'autre. Les effets nets de l'espèce 1 sur l'espèce 2 peuvent être négatifs, positifs ou neutres. C'est aussi le cas pour les effets de l'espèce 2 sur l'espèce 1. On mesure l'effet net sur l'évolution de la population d'une espèce lorsque l'autre population est éliminée du biotope. 

  1. Compétition - L'espèce 1 est nuisible à l'espèce 2 et réciproquement. Supprimer l'une des deux espèces bénéficie à l'autre.
  2. Prédation / Parasitisme - L'espèce 1 (le prédateur / parasite) est nuisible à l'espèce 2 (proie ou hôte). Mais l'espèce 2 est bénéfique à l'espèce 1. Supprimer l'espèce 2 est problématique pour l'espèce 1. Supprimer l'espèce 1 est bénéfique pour l'espèce 2.
  3. Amensalisme - L'espèce 1 est nuisible à l'espèce 2, mais l'espèce 2 n'est ni bénéfique ni nuisible à l'espèce 1.
  4. Commensalisme - L'espèce 1 est bénéfique à l'espèce 2, mais l'espèce 2 n'est ni bénéfique ni nuisible à l'espèce 1.
  5. Symbiose / Mutualisme - L'espèce 1 est bénéfique à l'espèce 2 et réciproquement. Dans la symbiose il y a une dépendance entre les deux espèces. L'une ne peut exister sans l'autre et réciproquement. Le mutualisme est une relation facultative. On parle aussi de coopération.
  6. Neutralisme - L'espèce 1 et l'espèce 2 sont neutres l'une envers l'autre. 


Le concept de biocénose pose la question des associations que l'on doit privilégier entre les entreprises, industrielles ou commerciales, sur un territoire (un biotope). Les zones commerciales (ou les centres commerciaux) sont des biocénoses particulièrement intéressantes. Elles abritent une mosaïque de commerces, de restaurants et de services qui attirent et maintiennent le chaland. Le concept de biocénose peut être utilisé pour optimiser les échanges de matières ou de services entre les différentes entreprises d'une petite région (ou d'une ville) et attirer des entreprises complémentaires (pour activer des interactions de type commensalisme, symbiose ou mutualisme). Pour une entreprise, la question consiste essentiellement à s'interroger sur les meilleurs moyens de valoriser ses flux, dont ses "déchets", auprès des autres entreprises du territoire, de tirer parti des flux de ses voisins dans son processus de production et de mutualiser ce qui peut l'être.

Aux États-Unis, dans l'état du Wisconsin, la coopérative Fifth Season progresse dans cette direction en cherchant à former un système alimentaire complet. Il s'agit d'une coopérative avec de multiples parties : elle est composée de producteurs agricoles, groupements de producteurs, de transformateurs, de distributeurs et d'acheteurs de la région. Les membres de la coopérative représentent l'ensemble des acteurs clés du système alimentaire au niveau local. Leur objectif est de construire "un système alimentaire régional robuste dans un environnement sain, une économie forte et des collectivités locales prospères !" Les acheteurs sont par exemple les cantines des écoles de la région. La dynamique de la coopérative consiste à identifier les besoins locaux et à y satisfaire réalisant des conversions de production où en attirant d'autres membres. On peut penser que les producteurs agricoles partagent plus que système de distribution... et que les déjections animales des élevages sont utilisées par les maraîchers et .... les restes des repas des écoles sont réincorporés dans le cycle de production.

Conceptuellement, la rupture est intéressante puisqu'il s'agit d'échapper au concept de filière pour entrer dans celui de réseau local. Le concept de filière est un concept très prégnant dans le domaine agroalimentaire. Il est intellectuellement difficile de s'en échapper. Mais on peut dire sans trop se tromper que si les filières n'apportent plus les avantages attendus à tous leurs membres, il semble logique que d'autres systèmes émergent. Quels sont aujourd'hui les étages des filières qui capturent la valeur ? Est-elle équitablement distribuée ?  Quel est le degré d'efficacité des filières à servir les attentes des clients et des consommateurs ? Quel est le degré d'efficience avec lequel elles fonctionnent ? Quel niveau de sécurité apportent-elles aux consommateurs ? Il n'est pas certain que les filières seront demain la meilleure forme d'organisation du système alimentaire ! Il est très probable que l'on s'oriente vers un système dual, composé de filières et de systèmes locaux. D'un côté, une agriculture pour nourrir les métropoles et pour l'export, de l'autre, une multitude de clusters locaux, plus ou moins perméables, et l'agriculture urbaine venant parsemer les villes.

A méditer !

vendredi 14 décembre 2012

Simply REED !

REDD est l'acronyme de Reduction of Emission from Deforestation and forest Degradation. C'est aussi le nom d'un programme des Nations Unies dont l'objectif est de lutter contre le changement climatique en limitant la déforestation qui est une des premières sources de production de gaz à effets de serre. Les scientifiques pensent que la déforestation produit 20 % des émissions de GES, soit plus que les émissions imputables aux transports. Voir le graphique Emissions des GES en France par secteur en France. Le lecteur notera que les sources d'émission de GES sont différentes d'un pays à l'autre. La production d'énergie occupe souvent la première place. Une grande partie de l'énergie produite en France est d'origine nucléaire.


Lors du déboisement, les bois qui se décomposent ou sont brûlés dégagent du dioxyde de carbone. Par ailleurs, de grandes quantités de carbone sont stockées dans les sols de certaines forêts (forêts sur tourbières). Ce carbone s'échappe alors du sol lorsque l'on coupe les arbres. Finalement, les arbres capturent et stockent le CO2. On estime qu'ils capturent 5 milliards des 32 milliards de tonnes de CO2 émises par les activités humaines.

La raison principale de la déforestation est l'utilisation de l'espace forestier à d'autres fins, lesquelles sont rémunératrices. Alors que la valeur des forêts sur pied est capitale pour la lutte contre le réchauffement climatique, la valeur marchande de leur conservation est (quasiment) nulle. Autrement dit, les services environnementaux des forêts sont supérieurs à leur valeur monétaire négociable. L'objectif du programme REDD est de rendre au moins aussi rentable la conservation que la déforestation. Plusieurs aspects sont critiques comme la mesure du potentiel carbone de la forêt, l'attribution d'un prix et la réalisation des transferts monétaires, le contrôle de la conservation effective.

J'avais, en mai 2007, publié dans un cahier de Perspectives en Agroalimentaire un article intitulé "Marchandisation des ressources naturelles : Un nouveau mode de valorisation ?" dans lequel je soutenais l'idée selon laquelle une ressource naturelle a d'autant plus de chance d'être préservée qu'elle devient une "marchandise". Il y a quelques jours, on apprenait que les Indiens Surui avaient bénéficié des services de Google Earth Engine pour contrôler l'espace forestier dont ils sont les propriétaires au Brésil. Un premier pas vers la marchandisation de la portion de la forêt dont ils sont propriétaires. Un moyen pour les entreprises de compenser un bilan carbone déficitaire.

   

Héliocutlure (tm): produire de l'énergie avec des bactéries !


L'énergie solaire est la mère de toutes les énergies ou presque. Il n'y a là rien de nouveau et le terme Helioculture(TM) est une évidence pour tous les producteurs agricoles, en France comme à l'étranger : la croissance des végétaux dépend de cet astre. 

Helioculture est une marque déposée de la société américaine Joule. Cette société commercialise une plateforme de production de biocarburants, que l'on ne peut pas dans ce cas appeler  agrocarburants puisque des bactéries génétiquement conçues sont au travail. Que l'on souhaite produire du diesel, de l'éthanol et une poignée d'autres produits chimiques, la plateforme de production Helioculture est maintenant une solution potentielle. Outre l'espace qui est nécessaire pour exposer les micro-organismes producteurs au soleil, une source de CO2 et de l'eau sont nécessaires. 
L'entreprise dispose d'une usine pilote et d'une usine de démonstration (photo ci-contre) au Nouveau-Mexique sur 80 acres (1 acre = 0.40 hectare).

L'usine semble fonctionner en circuit fermé et ne consommer de manière substantielle que de l'énergie solaire et du CO2.

samedi 20 octobre 2012

Plastic Océanique ?

Il existe, parait-il, un endroit dans les océans où les déchets en plastique se concentrent. Avant de rejoindre ce lieu, les déchets en plastique circulent dans les océans depuis nos plages et de nos estuaires pendant plus moins et causent des dégâts importants à la faune et aux écosystèmes océaniques.


Mais il s'agit aussi d'un gisement de plastique que l'on pourrait exploiter. Une entreprise de produits d'entretien et d'hygiène a décidé de contribuer au nettoyage des océans en récupérant le plastique océanique (ou préocéanique). À suivre.

Lien vers le site de l'entreprise.

Vidéo ci-dessous.


lundi 27 août 2012

Bio énergie International - Magazine et portail d'information

Ce court billet pour mettre en avant le magazine et portail internet d'information : Bioénergie international 

Ce magazine s'adresse à tous ceux et celles qui peuvent être intéressés par l'énergie produite à partir de la biomasse. Il s'adresse donc aussi bien aux agriculteurs et aux particuliers, mais aussi aux entreprises, industries et collectivités. 

On y trouvera outre les rubriques actualités et agenda, une rubrique Bioénergie TV et une section pratique. L'annuaire permettra d'identifier les fournisseurs qui pourront vous accompagner dans la réflexion et la mise en oeuvre de votre projet. Et plus encore !



Pour recevoir gratuitement un numéro de Bioénergie international.

dimanche 26 août 2012

Des bactéries pour produire du sucre ?


En janvier 2012, j'avais publié un billet intitulé de la viande synthétique bientôt dans nos assiettes en précisant qu'il faudra attendre au moins 10 ans pour voir le produit arriver effectivement dans nos assiettes. En ce qui concerne le sucre, cela pourrait arriver plus rapidement. Jeffrey Way et d'autres chercheurs du Wyss Institute for Biologically Inspired Engineering de l'Université d'Harvard ont développé une cyanobactérie qui produit du sucre et de l'acide lactique par photosynthèse. Cette nouvelle méthode permettrait de réduire les coûts de production du sucre. Aujourd'hui, on produit du sucre principalement à partir de la canne à sucre, de la betterave et d'autres sources agricoles.

Le dispositif industriel utilisant la cyanobactérie mise au point par les chercheurs du Wyss Institute pourrait être mis en place à proximité des centres de consommation et des sources de CO2. La photosynthèse nécessite, entre autres, du CO2, de l'eau et de l'énergie solaire. La maîtrise de la photosynthèse semble intéresser de nombreuses équipes de recherche. En effet celle-ci est une voie qui permet d'accéder à l'énergie solaire, laquelle est particulièrement abondante et gratuite. Rappelons que l'éthanol peut être obtenu par fermentation et que la réaction produit du CO2. Les cyanobactéries ouvrent probablement également une voie intéressante à la production de biocarburants.

L'acide lactique est une molécule dont l'usage est courant en chimie industrielle. Il peut en particulier être utilisé pour produire des polymères ou pour diverses applications dans le domaine alimentaire, l'industrie cosmétique, etc.

Ce processus est-il un nouveau challenge pour les filières agricoles traditionnelles ? La route vers l'industrialisation est encore longue ! Cependant, le découplage de la production avec la terre agricole est un avantage potentiel indéniable, comme la fonction de capture du CO2 produit à proximité du centre de production. Mais cette vision d'une micro-bio-raffinerie sera-t-elle techniquement et économiquement efficiente ?

Rappelons qu'en février 2010, des chercheurs du CNRS (Victoria Flexer et Nicolas Mano) avait mis  au point une biopile insérée dans un cactus. L'objectif : mesurer la photosynthèse! Cependant, cet outil de mesure produisait, à l'aide du cactus, de l'énergie électrique directement à partir de l'énergie solaire.
     Voir une vidéo de Jeffrey Way ci-dessous




lundi 20 août 2012

Valorisation des biodéchets de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la distribution et de la restauration


Les législations récentes (voir note ci-dessous) ont renforcé la responsabilité des entreprises sur leurs déchets. C'est aussi le cas pour les entreprises des industries agroalimentaires, de la restauration ou de la distribution. L'agriculture obéit également à ces nouveaux impératifs.

Des solutions se sont développées en France comme à l'étranger pour valoriser les déchets. Il existe aujourd'hui une large gamme de dispositifs pour satisfaire à ses obligations et valoriser sur le plan économique les déchets. En effet, les biodéchets peuvent être, entre autres, utilisés dans la production de biogaz. Celui-ci est transformé par combustion en chaleur et électricité. Les biodéchets s'avèrent donc, en plus d'être des déchets qu'il convient d'éliminer, des sources énergétiques.

Quelles sont les grandes options qui s'ouvrent aux entreprises en ce qui concerne la gestion et la valorisation de leurs biodéchets ?

1. Le marché.
Dans certains pays un marché des déchets s'organise. Une entreprise peut donc espérer vendre ses déchets à une autre entreprise qui pourraient en avoir usage. Aux USA l'entreprise Recycle match offre cette opportunité.

2. La valorisation énergétique directe.
L'entreprise qui produit les déchets décide de les valoriser par ses propres moyens. On voit émerger de plus en plus de solutions techniques qui permettent à l'entreprise de tirer un parti de ces propres déchets. Cette solution à l'avantage de limiter le transport des déchets qui représente toujours un coût et n'est pas environnementalement correct. Par exemple, Erigène offre aux éleveurs le moyen de valoriser les fumiers de leur exploitation en énergie avec Eribox. Ce produit conçu avec des éleveurs pour des éleveurs est un système de méthanisation compact par voie sèche. Les digesteurs proposés par Eribox sont transportables.

3. La valorisation énergétique localement partagée.
Il n'est pas toujours intéressant pour une entreprise d'investir dans un système de traitement individuel des déchets et cela pour de multiples raisons. Citons par exemple, l'absence de surface disponible pour implanter un dispositif de valorisation ou des besoins en chaleur insuffisants. Il peut alors apparaître judicieux pour une entreprise de s'associer localement avec d'autres entreprises ou des collectivités pour investir dans une solution qui sera intéressante pour chacun des partenaires. Certains pourront valoriser  leurs déchets, d'autres y trouver une source d'énergie de bon rapport et d'autres y verront un investissement profitable.

4. La valorisation industrielle.
Des industriels de la gestion des biodéchets proposent des solutions aux entreprises de la filière agroalimentaire (industriel, distributeurs et restaurateurs). C'est par exemple le cas de Bionerval (une filiale du groupe Saria, elle-même une filiale du groupe Allemand Rethmann). Cette entreprise a ouvert plusieurs sites de production en France. Prochainement un site de méthanisation sera ouvert à Étampes (91). Le surplus de chaleur sera cédé à une entreprise locale Oleo Recycling, spécialisée dans le recyclage des huiles végétales (Allo à l'huile).

5. Le traitement des déchets sans valorisation
Si votre production de déchets est réduite, la solution la plus économique pourrait bien être un dispositif de traitement des déchets sans valorisation. L'entreprise Totally Green de Tulsa (OK, USA) commercialise des petites machines qui permettent de traiter des déchets organiques en 24H et de les éliminer sous la forme d'eaux usées. Une vidéo démonstration est disponible ci-dessous:







Rappel de la législation:


Tout producteur de déchet en est responsable jusqu'à son élimination et est donc tenu d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination dans des filières agréées.

L'enfouissement des déchets est uniquement réservé aux déchets ultimes.

Code de l'environnement.(L V, Titre IV)


"À compter du 1er janvier 2012, les personnes qui produisent ou détiennent des quantités importantes de déchets composés majoritairement de biodéchets sont tenues de mettre en place un tri à la source et une valorisation biologique ou, lorsqu'elle n'est pas effectuée par un tiers, une collecte sélective de ces déchets pour en permettre la valorisation de la matière de manière à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à favoriser le retour au sol."
(art.L541-21-1 du code de l'environnement)

Les seuils visés : (Arrêté du 12 juillet 2011)
2012 : 120 tonnes par an
2013 : 80 tonnes par an
2014 : 40 tonnes par an
2015 : 20 tonnes par an
À partir de 2016 : 10 tonnes par an